Un jour de printemps, je rentrais de la galerie en voiture en passant par la route qui longe le Frémur, à la sortie de Saint-Briac. J’aperçois, au milieu d’un champ de graminées, une femme en jupe noire avec un petit haut plus clair tenant dans sa main gauche un bouquet de fleurs sauvages et cueillant de la main droite quelques marguerites. Sa silhouette se détachait sur fond de ciel breton, au milieu des herbes folles.
C’était Katherine Tisné.
Comment, quelques années plus tard, cette silhouette que je gardais en mémoire se retrouve être le sujet principal de ses derniers travaux ? Le hasard bien sûr, mais peut-être pas…
Nous connaissons de Katherine Tisné ses personnages drapés aux couleurs d’Orient, mémoire de son enfance égyptienne, ses paysages lunaires ornés de papiers dorés, d’empreintes et de tampons, mais nous ne connaissonspas encore ce nouveau regard qu’elle pose sur une région, la Bretagne, où elle vient depuis de nombreuses années.
Lui aura-t-il fallu tout ce temps pour s’affranchir de son Orient natal ou peut-être est-ce un jeu que lui offre sa dextérité de peintre: travailler autrement, oser d’autres sujets…
Qu’importe ! Le défi est relevé et le charme opère.
Katherine Tisné raconte des histoires de paysages bretons imaginaires, entre campagne et bord de mer, où se promènent des femmes à la coiffe et au tablier traditionnels, dans un champ ou au bord de l’eau, moments de rêverie, de réflexion, de calme, d’évasion sous un ciel chargé de nuages illuminés de lumière…un ciel d’ici !

Poésie et mystère s’entremêlent, le moment est intemporel et la matière joue avec la lumière pour se rapprocher le mieux possible de cette ambiance de bord de mer si éloignée de la chaleur de l’Orient.

Mais Katherine ne laisse pas totalement de côté les « Contes des mille et une nuits » . Elle assemble quantité depetites trouvailles, figurines, plumes, perles, coraux, et crée des saynètes comparables à des rêves, que desglobes anciens gardent sous cloche. Toute notion d’échelle, d’équilibre, de logique est abolie, seuls subsistent la fantaisie, le plaisir et la liberté.
Infini plaisir que l’on retrouve dans son petit monde de figurines improbables, assemblages de morceaux decoquillages ou autres trouvailles, expressives, drôles, tendres, à adopter d’urgence !

Entre peinture, collage, globes et assemblages se glisse une sensibilité aux multiples facettes qui nous embarque dans une rêverie sucrée salée (Orient-Bretagne), sans frontière, car, à bien y regarder, Katherine Tisné est à l’image de cet improbable mariage.

Bon voyage !

Ghislaine Eonnet,  le 18 juillet 2023