Le plaisir de la matière
De son regard bleu d’acier, il nous accueille dans son apartement-atelier, en tournant légèrement la tête avec un beau sourire d’artiste, un sourire de séducteur.
Et nous voilà pris dans la nasse!
Ses tableaux, éparpillés entre le salon et l’atelier sont magnifiquement encadrés de cadres lourds, noirs ou gris et les peintures s’affichent avec une noblesse provocante, un je-ne-sais-quoi de retenu doublé d’une audace bienveillante.
Sa peinture nous rassure! Mieux que ça, elle nous renvoie à celle des grands peintres, ceux qui savent retenir leur sujet ou plutôt s’arrêter avant que le geste ne devienne un système, une mécanique…
Yanis Markantonakis fait partie de ces artistes obsessionnels qui travaillent inlassablement le même sujet sans jamais réaliser le même tableau.
Son credo ce sont les paquebots, ceux qui sillonnent la mer entre les îles, ceux qui s’encastrent dans des ports trop petits pour leurs lourdes carcasses, ceux qui, même en s’éloignant, restent accrochés à l’horizon et qui semblent ne jamais disparaître.
Yanis Markantonakis est un peintre scénographe. Il fabrique son support en assemblant de façon souvent aléatoire des morceaux de bois. Ensuite il peint la surface de ces bois assemblés en y agrafant parfois des photos que la peinture recouvre partiellement….ou totalement. Puis il encadre le tout et, si il le juge bancal, ajoute à ce support de fortune des morceaux de bois que l’encadrement finit par maintenir.
Il s’agit là de jeux d’équilibre, de défis à la gravité, de peintures brutes de support.
Sa palette est exigeante, construite sur 2 ou 3 couleurs, le gris, le rouge et le noir dont ressortent des bleus parfois verts…
Sa véritable invention est là dans cette matière avide de peinture.
G.E.D. juin 2012